Si le traitement des données était déjà un axe majeur de l’industrie de la santé, notamment pour beaucoup de startups, la crise sanitaire du Covid19 renforce encore davantage l’importance de la data dans les projets des entreprises et laboratoires du secteur.

Industrie de la santé : quels changements dans l’après Covid ?

L’actuelle pandémie bouleverse les modes de vie de milliards d’humains, que ce soit par le virus en lui-même ou du fait de ses effets, notamment via les politiques de confinement qui sont devenues, en quelques semaines, une norme. Mais les conséquences de la pandémie sont bien plus larges que le domaine de la santé : crise économique, peut-être aussi demain bouleversements politiques et sociétaux... Une chose est certaine : personne n’est en mesure d’anticiper et de prévoir de tels changements.
Face à ces bouleversements passés et à venir, l’industrie de la santé possède un rôle-clé : traiter les patients bien sûr, mais aussi prédire et alerter, afin de faire en sorte que les acteurs de la santé impliqués puissent gérer au mieux les crises sanitaires, et si possible les anticiper.

Face au changement, des acteurs plus ou moins résilients

Si les enjeux ne bouleverseront certainement pas les grandes sociétés du secteur de la santé, appelées les “big pharma”, les laboratoires et surtout les startups peuvent et doivent rapidement s’adapter : “Nous voyons actuellement un certain nombre de startups du domaine de la santé pivoter ou s’orienter vers le traitement de la data, alors que celles-ci ne travaillaient pas spécialement sur cet axe avant la crise”, constate Florencio Travieso, responsable du MSc in Health Management & Data Intelligence à emlyon business school. Avec la nécessité de prédire l’évolution d'épidémies qui ont un retentissement considérable et mondial, le traitement de la donnée devient stratégique. Car le monde a connu et connaîtra d’autres épidémies, et la pandémie du Covid19 marque sans doute un point de rupture dans l’appréhension et l’application des politiques de santé.

Des données pour prédire et alerter...

Certaines startups n’ont pas attendu la crise pour exploiter des données. C’est le cas de la startup canadienne BlueDot, qui propose une application de gestion des risques épidémiques. Le principe ? Corréler les publications scientifiques (par un traitement du langage naturel et de l’intelligence artificielle) et les prévisions de trafic aérien afin de prédire les expansions d’épidémie.
31 décembre 2019. L'algorithme de BlueDot identifie une publication scientifique chinoise qui traite d’une pneumonie de cause inconnue en lien avec un marché d’animaux.
L’application déclenche le jour même un dispositif d’alerte qui notifie les clients de Bluedot (agences de santé, hôpitaux, compagnies aériennes) d’un possible risque épidémique.

 

"Nous ne savions pas que cela allait devenir une pandémie mais nous avions reconnu certains ingrédients similaires à ceux qu'on avait vu pendant le Sras en 2003", raconte Kamran Khan, le fondateur et PDG de BlueDot.

 

Autre service qui peut livrer des informations précieuses aux autorités de santé durant une épidémie, Calyps, du nom de l’entreprise basée en Suisse, qui développe une application capable de prédire le nombre de patients à être admis aux urgences et en réanimation. Le service a pu ainsi aider l’État Suisse à opérer les transferts de patients d’un hôpital à un autre, évitant ainsi la saturation des lits de réanimation. “Ce qui est magnifique, c’est que ces systèmes vont apprendre de ces crises et pourront ainsi mieux prévoir le futur”, observe Florencio Travieso.

...Sans renoncer à la “privacy” et à l’éthique

Si les deux exemples d’usages cités plus haut utilisent des données ouvertes, publiques ou relevant d’usages professionnels (nombre de lits disponibles dans les services de réanimation, liaisons aériennes), les données individuelles sont plus critiques concernant le respect de la vie privée (concept de “Privacy”) et posent d’épineuses questions éthiques.

The healthcare industry working on the processing of individual data is faced with a trade-off between public health objectives and respect for privacy.
Photo by ev on Unsplash

 

Le projet de l’application de tracking des patients infectés par le Covid19 en France, “StopCovid”, suscite des craintes et levées de boucliers. L’industrie de la santé qui travaille sur le traitement des données individuelles est alors confrontée à un arbitrage entre objectif de santé publique et respect de la vie privée. Un exercice d’équilibriste, rendu encore plus complexe en Europe avec le Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD), qui impose la doctrine du “Privacy by Design” (le respect de la vie privée doit être intégré au développement de nouveaux services, produits et applications).

L’industrie a besoin de professionnels qui comprennent la data !

C’est pour toutes ces raisons que Florencio Travieso appelle à former des managers de l’Industrie de la santé capables d’appréhender ces enjeux éthiques, mais aussi juridiques, du traitement des données.
C’est en tout cas un des axes forts du MSc in Health Management & Data Intelligence, proposé à emlyon business school. Cette formation transversale permettra à des futurs managers d’avoir une vision à 360°, avec des compétences techniques et business. A l’issue de ce programme de 18 mois, ils seront en mesure d’échanger avec les acteurs du domaine de la santé ainsi qu’avec les spécialistes du traitement des données et de l’intelligence artificielle.